jeudi 6 septembre 2007

Le civisme des autres..

Le débat est lancé. Renart a accepté mon invitation et a publié un billet intitulé "Il y a comme une odeur de tabou". Ce texte essaie de remettre en perspective l'argumentaire de Renart sur l'intégration des nouveaux arrivants, en particulier

"certaines situations fâcheuses vécues par ma compagne lors de ses déplacements en métro, en lien avec le manque de civisme de certains immigrants de fraîche date.
"
Simplement à la lecture de cette phrase du texte de Renart, je commence avec une question : Y a t-il un truc pour identifier un immigrant de fraîche date?

À moins de lui demander, on peut théoriser tant qu'on veut, mais ce n'est sûrement pas par son attitude dans le métro qu'on peut définir la période d'arrivée d'un immigrant.

Ainsi, il est impossible de savoir si les situations fâcheuses vécues par sa compagne avaient un lien avec le manque de civisme de certains immigrants de fraîche date.

Poursuivons.

Renart s'embourbe encore plus avec cette affirmation :

"Le chemin qu’empruntent le xénophobe et le raciste repose sur un système établi qui scrute les différences à l’externe et réagit ensuite en raffermissant son jugement par l’ajout de « preuves », en se complaisant dans l’immobilisme : qui vient alors élargir un peu plus sa carapace, au lieu de la faire se craqueler."

Renart semble oublier que ses propres attentes en lien avec la cohabitation dans les transports en commun ne sont pas partagées par tous. Là où le bât blesse, c'est que cet incident sert à justifier une remise en question de l'accueil des immigrants, soi-disant parce que, provenant des régions rurales de pays du tiers monde, on ne leur a pas inculqué le civisme, et qu'à leur arrivée, le gouvernement ne les a pas pris en charge à cet égard. Mais peu importe la raison, ce que je ressens du message, c'est :

NOUS savons comment nous comporter en société. Quelqu'un pourrait-il LEUR expliquer?

Des québécois qui ne savent pas vivre, il y en a de toutes les couleurs, et de toutes les origines. Point final. Des gens qui ne vivent pas comme Renart -c'est à dire en tentant d'être vertueux avec son prochain-, il y en a des tonnes. Des gens racistes, il y en a aussi de toutes les couleurs, et même au-delà de la "race", notre gueule ne plaît pas à tout le monde et vice-versa. Nul besoin de généraliser, si ce n'est de dire : je déteste qu'on me pousse, ou je déteste qu'on me dénigre. Est-ce si compliqué? Nul besoin de catégoriser par couleur, mais par comportement, puisque ce sont les comportements qui nous posent problème.

Le racisme, la Xénophobie, c'est aussi affirmer que c'est leur état de nouvel arrivant qui explique leur méconnaissance des "conventions", parce que Nous sommes civilisés, ILS sont des sauvages.

Ça fait des années que la STM fait la promotion de conventions pour ses clients : avancez à l'arrière, cédez votre place aux gens dans le besoin, ne tirez pas sur la manette rouge à côté de la porte..." Si le civisme, tel que compris par Renart, était un problème d'immigrants, nul besoin de ces publicités, le Ministère leur expliquerait à leur arrivée et le problème diminuerait, du moins chez les immigrants. Or, les conventions civiques sont floues, changent à tous les 50 km et peuvent parfois passer d'un extrême à l'autre entre deux quartiers de Montréal ou d'un code régional à l'autre.

Dans mon monde, le civisme, c'est ne pas abuser du parfum avant d'entrer dans le métro à l'heure de pointe. Pourtant, à 8h du matin, on me sature les sinus de varsol aux différentes essences tout aussi incompatibles les unes avec les autres. C'est le problème des grands ensembles. Plus souvent qu'autrement, quelqu'un franchit les limites de quelqu'un d'autre, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Si vous êtes le 15è de la chaîne de frustration, c'est plate mais ça peut difficilement faire autrement qu'être frustrant.Dans le cas des transports en commun, j'accuserais plus la promiscuité que l'origine ethnique quant aux accrochages possibles entre humains.

Mais même si un lundi, je me fais bousculer par une Sri Lankaise, que le mardi je me fais engueuler par une Haïtienne, que mercredi je me fais couper dans la file par un Colombien, que jeudi je vois une Italienne arroser son trottoir, etc. etc. etc., je ne peux en aucun cas affirmer qu'il faille s'interroger sur le civisme de nos nouveaux arrivants. J'ai eu affaire à quatre individus qui ont, pour des raisons que j'ignorerai probablement toujours, franchi MA limite.

Par contre, dans un cas-exemple que j'énonce souvent : les Québécois n'aiment pas, en général, l'odeur forte de transpiration. Il est difficile pour beaucoup d'aborder cette question avec les "contrevenants" à cette convention. Le fait de proposer poliment à tous l'utilisation de déodorant, par exemple, plutôt que de dénoncer l'odeur de transpiration de certains, permet une intégration plus facile de l'habitude, en évitant les malaises et les silences qui finissent par dégénérer en profilage, comme ce fut le cas dernièrement.

Je ne crois pas que le débat sur les accomodements raisonnables soit le lieu pour pointer du doigt des types d'individus ou des groupes d'individus ayant des comportements X ou Y lors de circonstances isolées, mais pour tenter de bâtir un consensus sur le vivre ensemble.

Simplement à regarder la composition de l'Assemblée Nationale, on comprend bien qu'on est loin au Québec d'un système de valeurs et de conventions consensuelles. De là, difficile d'établir un code de vie détaillé auquel tous et chacun adhérerait. J'ai entendu dire qu'on pouvait écouiller son chien soi-même sur une ferme; je vous mets au défi d'essayer de stériliser le vôtre sur votre balcon à Montréal. À Blainville, je crois, on distribue des amendes aux propriétaires de Gazon non taillé alors qu'à votre Éco Quartier de Montréal, on vous expliquera que la monoculture, même de pelouse, est mauvaise pour la terre. Deux villes, deux univers.

J'écoute du Bach à 8h le matin, l'autre écoute du House à 2h du matin.

Êtes vous plus :

TQS ou TVA?

Le journal de Montréal ou Le Devoir?

Réjean Breton ou Léo Paul Lauzon?

Eric Lapointe ou Daniel Bélanger?

Nathalie ElGrably ou ...euh... (non, elle n'a pas son pareil de l'autre côté du spectre politique)?

Je pourrais continuer indéfiniment.

Je crois qu'en aucun cas, le débat sur les accomodements raisonnables ne devrait déraper sur du profilage: "Tel groupe fait ceci, tel autre groupe fait cela, ah oui, ah oui." Au contraire, il devrait permettre d'établir les grandes lignes du vivre ensemble et de mieux aider les immigrants à intégrer notre société, en permettant à ceux-ci de préserver certains repères identitaires sécurisants pour eux et qui ne briment en rien notre propre existence et qui leur assureront une transition plus douce entre le statut de Néo-Québécois à celui de Québécois. En prenant pour acquis qu'il existe un statut de Québécois bien défini, ce dont je doute. Mais bon, qui sait, ce sentiment identitaire tant attendu pourrait bien profiter de cette fenêtre pour se montrer le bout du nez. Dans le calme, je l'espère.

Ce serait bien.

1 commentaire:

Renart Léveillé a dit...

Voilà une réponse de ma part. En espérant qu'elle ne fera pas qu'envenimer les choses...